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Je tiens à rendre hommage ici à Philippe Bas, disparu à l’âge de 58 ans, depuis des années que je ne compte plus. Philippe
Bas, pianiste et compositeur de Jazz classique, n’avait pas volé son
surnom : « Le Roi du Stride ». Véritable virtuose, notre « Roi du
Stride » était pratiquement autodidacte. Avec pour tout bagage trois ou
quatre ans de piano classique dans son enfance, Philippe Bas, très
jeune, s’est tourné vers le Jazz, apprenant seul à en jouer au piano,
en écoutant les grands pianistes de ce style de musique (si riche et
malheureusement boudée par les médias).
Complètement atypique, Philippe Bas pouvait jouer en concert sur un
piano à queue comme sur les trottoirs parisiens sur son petit piano de
saltimbanque (qu’il trimbalait partout avec lui dans sa vieille
estafette).
Ainsi concertiste et saltimbanque, Philippe Bas, l’original, fut sans
doute le seul pianiste à avoir vendu ses CD à la Fnac et dans la rue !
Philippe préférait le trottoir aux boîtes de Jazz et aux salles de
concerts. (Il fallait le voir sortir en un tournemain son piano de son
estafette à l’aide d’un support à roulettes de sa fabrication.) Dans la
rue, il était libre, disait-il, libre d’aller jouer quand il le
voulait, d’interpréter les morceaux de son choix, et de regarder les
filles qui passaient tout en jouant...
Il aimait le contact avec les passants qui s’arrêtaient pour l’écouter,
et venaient lui parler après, achetant souvent un CD, ce qui ne gâchait
rien. En concert, il n’y avait pas cette proximité avec le public, et,
pire que tout : il fallait être à l’heure ! Les musiciens qui jouaient
avec lui racontent tous qu’ils se demandaient jusqu’au dernier moment
s’il allait arriver à temps, et Philippe apparaissait enfin, tout juste
pour l’entrée en scène.
Partout où il allait jouer, Philippe avait autour de lui une cour de
jeunes musiciennes qui lui demandaient des conseils et l’appelaient «
Tonton ». Philippe en aurait bien croqué une mais il se contentait de
bon cœur d’être leur « Tonton » et dispensait volontiers les conseils
attendus, dont le
premier était : boire toujours un verre de rouge avant de commencer un concert !
Le « Roi du Stride », très connu dans le petit monde du Jazz classique
et ignoré encore une fois par les médias, ne cherchait pas la
célébrité, sachant évidemment que cette musique n’était plus « à la
mode ». La mode, Philippe n’en avait que faire, et vivait pleinement
heureux de sa passion.
Enfin, sa personnalité hors du commun, son esprit, sa joie de vivre
inaltérable, sa profonde gentillesse – qui ne l’empêchait pas d’être
caustique à bon escient –, et sa générosité presque excessive, ont
marqué tous ceux qui ont eu la grande chance de le connaître.
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